Tin Tuc - France

Hebdomadaire bilingue vietnamien et français, publié en France

THUY PHAP, L’ART DU PARADOXE A LA VIETNAMIENNE

Thuy Phap, littéralement en français : la méthode de l’eau. Dénomination vietnamienne difficile à prononcer. Version sous-titrée rébarbative, sujet méconnu au pays natal. Et pourtant, cet art martial énergétique «à l’ancienne» commence à beaucoup plaire aux Belges. Introduit il y a deux ans à Bruxelles par maître Huynh Chieu Duong, le Thuy Phap s’étend déjà à Gand, et s’inscrit au programme des activités parascolaires de certaines écoles secondaires à la rentrée 2004-2005.
De quoi s’agit-il ? A l’origine ce fut un ensemble de techniques de combat appelé Vo, basé sur l’élement «Nuoc» (eau). Paradoxalement, le Thuy Phap se pratique sur la terre ferme et non dans l’eau. La présence de cette dernière dans l’art en question se traduit de différentes façons : physiologique, philosophique, chorégraphique et sociale.
Les médecines occidentale et asiatique s’accordent pour affirmer que le corps humain contient plus de liquide que de solide. Le Thuy Phap cherche à utiliser cette force «hydraulique» pour «lubrifier» les méridiens et ainsi rééquilibrer les flux âm/duong (yin/yang). La méthode de l’eau interprète de manière mouvante aussi bien la théorie asiatique que l’interpénétration des éléments de quelques symbolismes bouddhistes.
Le Truong Giang Thu Gian Quyen (l’enchaînement du Long Fleuve) met en mouvement le processus de développement du Yin et du Yang : de l’unicité vers la dualité, les quatre directions, les cinq éléments et les huit trigrammes qui ramène à l’eau sans forme et profonde. Le salut du Cuu Long Phù Sa Quyen «l’enchaînement des neuf dragons» reprend plusieurs formes des mains des moines «Mât Tông» (Tantra). La gestique du Thuy Phap est fluide et reproduit des phénomènes aquatiques : la pluie, la chute, les gouttes, les vagues… En outre, du point de vue social, cet art martial ne fait qu’imiter les gestes au quotidien des paysans et pêcheurs vietnamiens vivant dans un pays bordé par le Pacifique et traversé par deux grands fleuves le Mékong et le Fleuve Rouge.
Complexité et beauté comme de l’eau. Le succès belge de Thuy Phap en tirera-t-il la source ? Partiellement, répond maître Huynh qui pense à un autre paradoxe. Le pratiquant post-industrialisé du XXIe siècle européen recherche surtout un art martial digne de ce nom mais qui n’engendre ni bobo physique, ni compétition, qui dé-stresse et procure bien-être. Le Thuy Phap, délaissé par des Vietnamiens qui, en bons citoyens émergents de la mondialisation et huppés par les technologies gagnantes olympiquement parlant , ne jurent que par le judo, taekwendo et consorts, retrouve un nouveau souffle chez les modernes occidentaux en pleine soif d’authenticité, de racines, de paix.
Le Thuy Phap pourrait devenir un magnifique produit culturel du Vietnam, qui aurait sa place parmi d’autres dans la prestigieuse vitrine vietnamienne à l’étranger. Un pieux rêve de maître Huynh, car la promotion de la culture vietnamienne au pays même et à l’étranger n’est pas la tasse de thé des gouvernants à l’heure actuelle. Essayons plutôt la fiction, regardons le côté comique du prochain paradoxe.
Un beau jour, le Vietnam redécouvrirait le Thuy Phap, déjà célèbre à l’instar du Taï Chi, grâce à une formation prodiguée par des professeurs belges !
Là encore, le paradoxe paraît énorme. La Belgique exporte d’habitude ses artistes franco de port. Les Brel, Andamo, Cordy et compagnie ont accompli leur carrière en France.
Malgré une percée estimable, le Thuy Phap qui est né dans une rizière, grandira-t-il vraiment un jour dans un champ de houblon ? comme se plaît à répéter maître Huynh.
Elucubrations pseudo politiques mises à part, si vous avez l’occasion de passer par Bruxelles un dimanche matin, venez vous essayer au Thuy Phap au Collège St-Michel à Etterbeek. Vous allez saisir le vrai paradoxe : plus vous vous bougez,à moins fatigué vous vous sentez ! et maître Huynh enseigne un véritable art du bien-être qui se transforme à l’autre bout du cercle en art de savoir-être en politique culturelle.

Hai Thach


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